Non je j’aime pas ce mot.
C’est peu dire en vérité.
Je déteste qu’on l’érige en qualité universelle : la tolérance. Une case essentielle pour toutes les idées et les personnes que l’on ne veut ni dedans, ni dehors. Essentiel pour ne pas exclure tout à fait, mais exclure quand même un peu. Pourquoi exclure quand même un peu ? Pourquoi ne pas ouvrir les bras ? Pourquoi ne pas décider de s’aimer, tout simplement ?
On ne tolère que ce que l’on hait. « Je ne t’aime pas, sais-tu ? Ton existence me déplait, mais puisqu’il est vrai que tu ne me nuis pas, j’accepte de ne pas t’éradiquer, du moins pas tout de suite. Je suspens mon jugement, tu vois ? Il y a cette case que j’ai créé pour toi, celle des choses que je tolère. Ouais, tu es avec des choses. Quoi ? Je ne t’aime pas, je ne te comprends pas. Je n’ai juste pas le cœur de me battre contre toi. C’est que je m’en fiche, tu vois. Ta vie, elle ne m’intéresse pas. J’ai créé une case pour toi. Une case toute belle, toute lisse, dont je ne te sortirai pas. Ou peut-être un jour, si tu cries assez fort, si tu rayes de tes ongles les murs que j’ai bâti autour de toi. Tu as un problème avec les murs peut-être ? Pas moi. Moi j’aime compartimenter, j’aime quand la vie est claire, rangée. J’aime quand je n’ai pas besoin de me poser des questions. Pour t’accepter dans mon dedans, dans mon intériorité, dans le cercle de ce que j’aime, je devrais remettre trop de choses en questions. C’est un effort que je ne veux pas faire. Alors j’admets que je ne sais pas tout, que tu ne mérites peut-être pas la damnation : je te tolère, et alors, puisque je ne t’ostracise pas tout à fait, je m’autorise à ne plus penser à toi. C’est la paix que j’achète. Nous vivrons séparés, toi et moi, mais puisque nous n’avons pas d’interactions directes, je pourrais nier en bloc la souffrance que tu exprimes. Rien de ce qui t’arrive n’es ma faute. Tu vois, je suis innocent. Après tout, je ne te regarde même pas, comment pourrais-je te blesser ? »
Je n’aime pas la tolérance.
Je ne veux pas être tolérée. Aimez-moi, ou rejetez-moi tout à fait. Ne m’enfermez pas dans un entre-deux stérile où vous feignez d’avoir pour moi quelque compassion. Je peux m’accoutumer de votre indifférence, tant que vous n’avez pas la cruauté de l’accompagner d’un sourire.
Assumez-vous que diable !
Non, je ne veux pas tolérer, ou bien à la rigueur dans une phase transitoire, juste le temps que je me renseigne, restez donc sur le palier un instant, j’ai besoin d’une minute pour déverrouiller la porte. C’est qu’on m’a appris à bien toujours fermer derrière moi, vous savez, au cas où quelqu’un entrerait par inadvertance. Il n’est pas si simple de se déconstruire.
Je veux me donner la peine de trancher : oui ou non ? Toujours oui ou non.
Oui, je veux t’écouter, je veux entendre ce que tu as à dire, je veux apprendre à t’aimer. Je ne veux pas seulement te tolérer, comme une présence collatérale dont je devrais subir l’existence. Je veux te donner plus. On ne sera peut-être jamais proches, je ne sais pas, mais je veux tout faire pour que la possibilité d’une amitié demeure.
Non, ce que tu dis es inacceptable. Tes propos sont des offenses, tu es racistes, misogyne, que sais-je encore. Je ne veux pas de toi dans ma vie. Pas du tout. Je ne veux pas te tolérer, car tes actes et tes mots sont intolérables.
Il est vrai pourtant que je ne te reprends pas toujours, ou même jamais. Tu es un collègue et je déteste trop mon travail pour supporter d’avoir en plus à me battre contre toi. Tu es de ma famille et j’ai peur de n’être pas soutenue par les autres, qui m’accuseront de gâcher la réunion. Tu es un inconnu et j’en ai déjà vu mille, des comme toi, je suis lasse de connaitre d’avance l’issue du conflit si je l’engage. Tu es influant et je ne veux pas t’avoir à dos, c’est que je suis comme tout le monde, au fond, je tiens à préserver ce que j’ai en ne m’attirant pas la foudre des puissants. Je n’en suis pas fière, tu vois, mais je n’ai pas toujours le courage de te repousser.
Alors je ne dis rien.
On dira que je te tolère, on me félicitera peut-être même pour cela.
Mais on aura tort de le faire.
Ne pas remettre les injures à leur place, les tolérer, ce n’est pas de la vertu, c’est de la lâcheté.
Je suis lâche.
Je veux dire que je suis lâche.
J’y tiens.
Parce que c’est vrai.
Je ne suis pas parfaite. Personne ne l’est.
Je veux juste m’efforcer d’être chaque jour une meilleure personne.
Et je ne le serai pas en étant plus tolérante.
Je le serai en l’étant moins.
« Mon âme toujours prise dans les chaînes de la censure prend sa revanche.
Enfin à ce jour, l’expression de mes désirs dessine mes pensées.
Il est grand temps de dévoiler la grande haine qui s’saccage l’œuvre de ma survie.
Comment te décrire, toi qui n’as pas de langage approprié pour communiquer.
De ta couleur de peau toujours d’une couleur ressemblant au moisi.
Je te déteste, car tu gâches mes envies. Dès que ton odeur me submerge, la nausée éclate.
Forcer de rester en ta présence, même si je reste en t’ignorant. Tu es là. Tu existes.
Tu es aimé mais moi, je ne le pourrais jamais. Tu es même populaire alors que tu es amère.
Je te déteste, je te maudis. Tu ne vaux pas le four où je t’ai cuit.
Courgettes, je te regrette. Va te languir ailleurs que dans mon assiette. »
S’il y a bien un élément qui correspond à votre description, c’est la courgette.
Mon commentaire étant futile et décalé, j’espère tout de même que je vous donne une réponse amusante.