Qui a peur d’Emilia Pérez ?

Le dernier film de Jacques Audiard (réalisateur français) est sorti en 2024 : on y suit le parcours d’une femme trans, anciennement chef de cartel, qui doit opérer (sans mauvais jeu de mot) une rupture brutale avec son ancien milieu pour permettre sa transition. Au casting, on trouve des star américaines telles Zoe Saldaña (une avocate qu’Emilia recrute pour gérer sa transition) et Selena Gomez (la compagne d’Emilia), ainsi que l’espagnole Karla Sofía Gascón (qui joue Emilia elle-même) et la mexicaine Adriana Paz (la nouvelle compagne d’Emilia, post-transition).

Le film connaît un succès critique important, et reçoit de nombreuses distinctions. Notamment le premier prix du jury du festival de Cannes, d’autres récompenses au golden globes, et plusieurs nominations aux Oscars. Karla Sofía Gascón, qui joue Emilia Perez, devient ainsi la première femme trans à recevoir un prix d’interprétation féminine à Canne / à être nommée pour l’Oscar de la meilleure actrice.

Mais ce succès-même dérange.

Slate titre « Emilia Perez n’est pas un bon film. Il a gagné quatre prix aux golden globes et plusieurs nominations aux Oscars. C’est offensant à plus d’un titre ».

Il y a deux critiques qui reviennent, qui sont de la même nature : ce serait une « mauvaise représentation ».

(Note que je fais l’impasse sur les critiques de type « la musique / le rythme / la réal est nulle » car si c’était ça, le problème, on pourrait juste s’en foutre : c’est quand un film est bon techniquement qu’on peut s’inquiéter des effets qu’il est susceptible de produire. Sinon, il y a qu’une question de goût : on peut aimer ou pas. Mais c’est un débat subjectif)

Le Mexique (et le narcotrafic)

Hélas, comme souvent, l’argument de la représentation ne repose pas sur des arguments intéressants.

La première critique faite au film concerne la manière dont est montré le Mexique. Pour citer l’article de Slate déjà mentionné ci-dessus :

Les spectataires mexicains ont dénoncé le sensationnalisme du film et sa représentation profondément rétrograde de leur pays comme un État défaillant ravagé par la violence, ainsi que l’apparent désintérêt d’Audiard pour quelconque forme d’authenticité. Aucune des stars du film n’est née au Mexique (Gomez a des origines mexicaines, mais elle a du apprendre l’espagnol pour le rôle), et quasiment aucune des scènes du film n’a été tourné au Mexique.
[Jack Hamilton, Emilia Perez n’est pas un bon film, Slate, janvier 2025]

L’ennui, quand on a dit cela, c’est qu’on n’a en fait rien dit du tout.

Ce n’est pas tout de dire que les méxicaines ont été insatisfaitts de la manière dont le film montre leur pays, il faut encore dire pourquoi. L’identité des actaires n’est rien de mieux qu’un indice : bien sûr, les œuvres ont de meilleures chances d’être pertinentes quand elles sont réalisées par des gens directement concernés par les sujets qu’elles abordent. Mais on peut être concernéés et à côté de la plaque, comme on peut être extérieurr et super fin (fusse par accident).

Axer les reproches sur l’identité des gens à l’origine d’un projet ne mène jamais qu’à des contorsions bizarres (pour ne pas dire gênantes) : du genre « aller compter à combien de générations remontent les origines mexicaines de Selena Gomez » (trois, si vous voulez tout savoir) ou « effacer l’existence d’Adriana Paz, pourtant bien mexicaine, et incluse dans le prix d’interprétation féminine délivré par le festival de Cannes pour l’ensemble des actrices ». (Par ailleurs le personnage de Zoe Saldaña a été adapté pour coller aux origines dominicaines de l’actrice, comme celui de Selena Gomez pour justifier son mauvais accent. Karla Sofía Gascón quant à elle a surtout joué pour la télévision mexicaine, bien qu’elle soit espagnole).

(NB : en plus du scénario, de la musique et de la réalisation, j’ai plusieurs fois entendu dire que l’inspiration était elle aussi française plutôt que mexicaine. En un sens, ce n’est pas faux : il y a bien un livre, intitulé « Écoute » qui a été réédité chez Le livre de poche, avec une tête de squelette type « fête des morts » sur la couverture et un bandeau rouge « le livre qui a inspiré Emilia Pérez » pour booster les ventes. Et certes, en tant que français normalien, l’auteur Francis Razon semble bien loin des cartels mexicains… dont il ne parle d’ailleurs pas vraiment dans son livre : le synopsis n’a rien à voir avec celui du film. C’est l’histoire d’un flic à Paris qui lutte contre le terrorisme en écoutant divers enregistrements. « Il y a un dealer mexicain au début du livre qui veut changer de sexe pour disparaître. Mais ce petit bout d’histoire abordé au début, n’existe plus ensuite dans le livre » précise un utilisateur Babelio. À ce compte, c’est un peu malhonnête d’utiliser la nationalité de l’auteur de ce livre pour critiquer le film Emilia Pérez)

Si ces arguments sont répétés ad nauseam par les détractaires du film, ce n’est pas parce qu’ils sont bons, c’est parce qu’ils dispensent de réfléchir.

J’ai vu de nombreuses personnes fustiger Emilia Pérez, mais je n’en ai vue aucune entrer dans les détails de « quels éléments ne sont pas fidèles à la réalité de la vie dans les cartels mexicains ? Et pourquoi ? ». Et de fait : je ne crois pas que cela soit une vraie préoccupation venant de gens qui, je vous le donne en mille, ne sont pas plus mexicains que Jacques Audiard. (L’article Slate par exemple, est écrit par un certain Jack Hamilton, un doctorant né à Boston et enseignant à l’Université de Virginie après avoir été diplômé d’Harvard dans un tout autre domaine que l’histoire mexicaine : il est expert de la culture Américaine. Je vous laisse évaluer la distance entre ce parcours et la connaissance des cartels mexicains).

Par ailleurs, toustes les mexicainns ne détestent pas le film. Ainsi l’actrice Adriana Paz (qui joue la nouvelle amoureuse d’Emilia) a-t-elle déclaré :

J’ai entendu des gens dire que c’était offensant pour le Mexique. J’aimerais vraiment savoir pourquoi, parce que ce n’est pas mon ressenti. Et j’ai questionné des gens en qui j’ai confiance, pas seulement comme artistes mais comme personnes, et ce n’est pas leur ressenti non plus.
[Adriana Paz, citée dans l’article « Adriana Paz défend le film face aux critiques d’effacement de la culture mexicaine », IndieWire, Janvier 2025]

(On peut aussi citer le réalisateur Guillermo del Torro ou l’autrice et directrice Issa Lopez comme soutiens mexicains du film, non impliqués dans le projet)

Pour trouver les critiques mexicaines, il faut aller les chercher.

Quand apnews cite Artemisa Belmonte (qui s’est battue pour sa mère et ses trois oncles disparus en 2011, et a lancé une pétition pour empêcher la sortie d’Emilia Pérez au Mexique), les arguments retenus sont flous :

« Il est évident qu’ils n’ont jamais investigué sur rien, qu’ils ne se sont jamais assis avec quelqu’un qui avait perdu un membre de sa famille »
[Artemisa Belmonte, citée dans l’article « Qu’est-ce que le Mexique pense vraiment d’Emilia Perez ? », apnews, Janvier 2025]

Je veux bien le croire, mais à quoi le voit-on ?

Pour toute réponse, l’article propose une autre citation attribuée à la militante :

« On ne peut pas parler de ce sujet comme s’il était propice à en faire un musical ».
[Artemisa Belmonte, citée dans l’article « Qu’est-ce que le Mexique pense vraiment d’Emilia Perez ? », apnews, Janvier 2025]

Ce n’est pas la seule occurrence que j’ai trouvée de cet argument, que l’on retrouve aussi chez Héctor Guillén, un réalisateur mexicain :

« Il y a une guerre de la drogue, presque 500 000 morts [depuis 2006] et 100 000 disparuus dans le pays. Certaines zones sont toujours immergées dans la violence. C’est un des sujets les plus difficiles pour notre pays, mais ce n’est pas n’importe quel film, c’est un opéra. C’est un musical. Alors pour nous, et pour beaucoup d’activistes, c’est comme si vous vous amusiez avec [un de nos plus grand drame national] »
[Héctor Guillén, cité dans l’article « Vous vous amusez avec notre plus grande guerre : pourquoi certainns mexicainns sont remontéés contre le film nominé aux Oscars Emilia Perez ? », BBC, Janvier 2025]

Mais je ne trouve pas cela intrinsèquement convainquant : musique et sérieux ne sont pas des concepts antinomiques, en soi.

Pour trouver de véritables arguments, j’ai du aller lire la pétition d’Artemisa Belmonte directement sur change.org (en espagnol donc) :

« Le film exploite l’idée qu’il serait si facile de retrouver les disparuus si seulement on en appelait à la conscience des criminels, si simple d’unir la société toute entière (y compris les enfants) dans la recherche des personnes disparues. Le tout ignore complètement les dangers, les menaces, et le manque d’informations et de soutien du gouvernement, auxquels se confrontent les familles des disparuus et les activistes qui les soutiennent ».
[Artemisa Belmonte, pétition « Pas une première de plus pour Emilia Perez », janvier 2025]

Ces arguments-là, je n’ai vu personne les traduire/rapporter. Pire : je ne peux m’empêcher de constater le fossé entre les détractaires françaiss ou américainns d’Emilia Pérez (souvenons-nous de Jack Hamilton qui épinglait le film pour sa « représentation profondément rétrograde [du Mexique] comme un État défaillant ravagé par la violence ») d’un côté, et mexicainns de l’autre (qui reprochent au contraire au film d’ignorer « complètement les dangers, les menaces, et le manque d’informations et de soutien du gouvernement »). Les premiers prétendent résumer les grieffes des seconds en disant en fait… exactement l’inverse.

Or cela, je le relie aussi à l’autre vrai reproche adressé au film, qui concerne en fait moins le film en lui-même que son contexte de promotion :

« Une partie de l’histoire concerne les mères à la recherche de leurs enfants : un des groupes les plus vulnérables du Mexique. Et aucun mot n’a été prononcé pour les victimes, dans aucun des quatre discours d’acceptation aux Golden Globes ».
[Héctor Guillén, cité dans l’article « Vous vous amusez avec notre plus grande guerre : pourquoi certainns mexicainns sont remontéés contre le film nominé aux Oscars Emilia Perez ? », BBC, Janvier 2025]

Quand on ne prend pas la peine de chercher le cœur des reproches adressés au film par le public mexicain, quand on les réduit à « c’est stéréotypé » sans se demander de quels stéréotypes on parle et si on n’en est pas soi-même imprégné, on a tôt fait de faire partie du problème qu’on prétend dénoncer : la superficialité de l’intérêt porté au contexte du narcotrafic au Mexique et à ses victimes.

(D’autant plus d’ailleurs quand la critique est virulente. Et celle de Jack Hamilton l’est particulièrement : il décrit le film comme « Un tour de force scintillant et criard dans l’intensité du désastre, une procession interminable de mauvaises idées terriblement mal exécutées » et déclare au milieu de l’article que « honnêtement si vous avez lu jusqu’ici et avez toujours envie de voir le film, je devrais probablement démissionner »).

Mais si les critiques blanches ne s’intéressent pas vraiment au Mexique, sinon pour justifier à peu de frais leur détestation du film d’Audiard, qu’est-ce qui les dérange vraiment dans Emilia Pérez ?

La transidentité

Venons en donc à l’autre problème de représentation qu’a posé le film à pas mal de critiques : celle de la transidentité.

Encore une fois, quand on parle de représentation, tous les arguments ne sont pas bon à prendre : je ne vois pas l’intérêt par exemple d’insister sur des problèmes du scripts original quand ceux-ci ont été corrigés dans le script final.

Láurel Miranda, une militante pour les droits des trans, […] questionne le script d’origine, dans lequel Manitas voulait devenir une femme uniquement pour échapper à la justice. Gascón a insisté pour changer ses motivations en celle du femmes trans cherchant à transitionner.
[Berenice Bautista, « Qu’est-ce que le Mexique pense vraiment d’Emilia Perez ? », apnews, Janvier 2025]

Ce scénario d’origine semble correspondre à ce qu’on peut trouver dans le livre de Francis Razon (et elle repose en effet sur un narratif transphobe, qui prétendrait contre toute logique qu’être une femme trans permettrait d’accéder à un statut protecteur. Or de fait, certes les femmes cis bénéficient souvent d’une présomption d’innocence, mais la transmisogynie empêche les femmes trans d’en bénéficier). Mais le fait que Karla Sofía Gascón ai pu faire changer cela semble plutôt indiquer la capacité du réalisateur à se remettre en question et à modifier ses projets en fonction de ce qu’on lui dit.

En vérité, pour beaucoup de gens, le problème de représentation dans Emilia Pérez vient du fait que son personnage principal, une femme trans, soit aussi une ex-criminelle littéralement responsable de la mort de milliers de gens. Dans son article lapidaire pour Slate, Jack Hamilton conclu :

Avec sa transition, Emilia Pérez arrive à accéder à une nouvelle vie plus authentique, à s’élever moralement et à devenir une force positive pour la société. Cela semble assez inoffensif jusqu’à ce qu’on réalise que la corrélation entre la dysphorie de genre et la propension aux meurtres en série et aussi le concept central du Silence des Agneaux.
[Jack Hamilton, Emilia Perez n’est pas un bon film, Slate, janvier 2025]

Dit comme ça, tout de suite, ça refroidi.

D’autant plus que la comparaison est loin d’être neutre : Le Silence des Agneaux a la réputation d’être le cas d’école du film transphobe. Si Emilia Pérez lui ressemble moindrement, cela rend le film indéfendable.

Mais je n’aime pas accepter les critiques sans d’abord les analyser, pour vérifier leur pertinence (sans quoi, on ne fait que construire des raccourcis pour générer des a priori négatifs sans avoir à réfléchir). Ici, il y a deux questions à se poser « pourquoi tout le monde s’accorde à décrire le Silence des Agneaux comme un film transphobe ? », et « ses reproches s’appliquent-il également à Emilia Pérez ».

Or donc : Le Silence des Agneaux est considéré comme un cas d’école de la transphobie au cinéma parce qu’il appartient à une longue lignée de films datant d’un époque où les seules représentations que l’on avait de personnages trans ou travesti… étaient des films dans lesquels on les voyait en train de commettre des meurtres terribles. C’est cet historique que retrace rapidement ContraPoints dans une de ses vidéos :

Le tueur en série travesti ou transexuel est un vieux trope transphobe. Un cliché qui remonte à plusieurs décennies. […]Il semble dater de 1960, avec le film d’Alfred Hitchcock : Psycho. […]Je ne crois pas que Psycho soit transphobe. Le film se termine par un résumé psychanalytique, où un psychiatre offre une explication pseudo-freudienne au cross-dressing de Norman : il est possédé par la personnalité de sa mère décédée qui prend le dessus et, par jalousie, tue les femmes par lesquelles Norman est attiré. Ainsi, explique le psychiatre, Norman n’est pas un véritable travesti.
[…] Mais je crois aussi que, même si Psycho n’est pas explicitement transphobe, les films peuvent subconsciemment implanter des idées et des sentiments dans nos cerveaux. Et je crois que ça vaut la peine de relever que la scène de meurtre la plus célèbre et la plus terrifiante du cinéma montre un homme portant une robe, attaquant une femme dans une salle de bain.
[…] Le trope du cross-dresser fou est devenu explicitement transphobe en 1980 dans le film camp « Dress to Kill », où Michael Cain joue un psychiatre transsexuel qui, oui, s’habille en femme pour tuer les femmes qui l’attirent. […]L’itération la plus mature de ce trope, la couronne de diamant des films transphobes, est bien sûr Le Silence des Agneaux (qui est honnêtement l’un de mes films préférés, parce que Jodi Foster et Anthony Hopkins sont juste rayonnants dedans… et aussi je me déteste [rire]).
Le Silence des Agneaux est l’histoire de Buffalo Bill, un amoureux des animaux et un couturier innovent. [Il] tue des femmes pour se faire un costume avec leurs peaux, parce que sa demande de réassignation sexuelle a été refusée car, selon Hannibal Lecter, il n’est pas un « vrai transexuel [ : il] déteste sa propre identité, voyez vous, et il pense que ça fait de lui un transexuel. Mais sa pathologie est bien plus féroce. »
(Plus féroce et terrifiant qu’être transexuel ? Est-ce seulement possible ? /s)
Le Silence des Agneaux diffère de ces prédécesseurs male-gaze-y au sens où il a presque l’air d’être un film féministe radical : Clarisse est un parfait mélange de force et de vulnérabilité, et tous les hommes sont des porcs (sauf peut-être Hannibal Lecter). […] Et Buffalo Bill est le porc ultime.
[Contrapoints, essai vidéo sur J.K Rowling , 51:36, 2021]

Le problème, en définitive, avec les films comme Le Silence des Agneaux, ce n’est pas qu’ils soient « intrinsèquement » transphobes, mais qu’il le soient « contextuellement » : dans un monde où les personnages trans ne manqueraient pas à l’écran / où on pourrait les voir faire tout un tas de choses variées (des choses normales, des choses belles, des choses discutables, etc)… ça ne serait pas la fin du monde d’avoir aussi des personnages trans malfaisants. Empêcher une catégorie de population d’avoir des représentations négatives, c’est aussi une façon de la déshumaniser, au même titre que l’empêcher d’avoir des représentations positives.

Le Silence des Agneaux est un bon film, je ne dis pas que c’est intrinsèquement une mauvaise chose de faire un film ou d’écrire un livre sur un tueur en série trans. Mais il y a un vrai problème de représentation.
Vous voyez, pendant des décennies il n’y avait à peu près aucune bonne représentation de personnes trans dans les films, ou à la télé, mais il y avait toute une foule de tueurs en série adeptes du cross-dressing. Et cela a un effet sur la manière dont les gens pensent.
[Contrapoints, essai vidéo sur J.K Rowling , 56:06, 2021]

Bon, et Emilia Pérez dans tout ça ?

D’abord, il y a eu des évolutions depuis 1991 (année de sortie du Silence des Agneaux) : des films, des livres, des séries, sont sortis avec des femmes trans qui ne sont pas des criminelles. Toutes ces productions ne sont peut-être pas de qualité (certaines le sont, comme Alice junior, Sense 8, Pose, Euphoria, etc) mais disons qu’on est sorti du narratif unique, de l’implication automatique « transfem, donc : crime ».

Je crois que ça devrait au moins nous donner l’autorisation de chercher plus loin que « Emilia était à la tête d’un cartel de drogue, et est trans, c’est donc un no-go ».

(NB : même commentaire pour les personnes qui reprochent au film d’avoir voulu caster « une actrice trans d’âge moyen avec une solide carrure, parce que bien sûr nous les femmes trans devons toujours être robustes » (citation sarcastique de Láurel Miranda pour apnews). Non, toutes les femmes trans ne sont pas caustaudes, mais y’en a aussi qui le sont, et ça ne me parait pas désirable de les effacer)

Or quand on regarde la manière dont Emilia Pérez est à la fois criminelle et trans :

  • On n’est pas dans un paradigme où elle utiliserait des méthodes de cross-dressing pour perpétrer des crimes, de type « pouvoir mieux approcher de victimes femmes qui ne se méfieraient pas », ce qui serait indubitablement transphobe
  • On n’est pas non plus dans une représentation où son identité trans viendrait renforcer l’horreur de ses crimes, parce que son changement de genre participerait de son alterisation / serait une preuve de sa « folie » et donc de sa dangerosité, ce qui serait aussi, sans conteste, transphobe

C’est en fait précisément l’inverse : ce qui est corrélé à la transidentité, ce n’est pas la criminalité, c’est la rédemption.

Et ça… c’est ça le vrai truc qui gratte les gens.

« La première fois que je l’ai vu, j’ai dit [à Audiard] : ‘C’est controversé, Jacques’ […] Mais aussi, tout le monde a un bon et un mauvais côté. Il y a beaucoup de sicaires au Mexique qui ne voulaient pas être sicaires ; des criminels les ont kidnappéés quand iels n’étaient encore que des enfants, et iels se sont retrouvéés dans ces pactes criminels. Sont-iels mauvais ? Je veux dire : oui. Mais iels sont aussi le résultat d’une histoire de violence et de corruption. Et peut-être que certainns voulaient essayer de changer. »
[Adriana Paz, citée dans l’article « Adriana Paz défend le film face aux critiques d’effacement de la culture mexicaine », IndieWire, Janvier 2025]

Le fait que les gens puissent avoir un arc de rédemption n’est pas conforme à l’idée que la plupart des gens se font de la justice. En tout cas pas comme ça : pas sans avoir à reconnaître ses méfaits, pas en décidant soi-même de ce que l’on pourrait faire pour réparer, pas quand les crimes sont trop graves. (Et certainement pas pour une meuf trans).

[Emilia] transitionne aussi de « chef de cartel responsable de la mort de milliers d’inconnus » à « fondatrice d’une organisation à but non lucratif qui assiste les familles des victimes de la violence des cartels ». […] Mais tout ce à quoi je pouvais penser, c’est à la fameuse punchline du sketch de Tim Robinson : « On essai toustes de trouver le gars qui a fait ça ». Gascón livre une performance incroyable, tout comme ses co-star, mais son personnage me répugne, principalement parce que j’avais l’impression que le film voulait que je l’aime, que je l’encourage dans sa transition d’homme riche malfaisant à femme riche malfaisante.
[Harron Walker, « Le plus gros problème d’Emilia Pérez, c’est Emilia Pérez », The Cut, Janvier 2025]

Tout au long du film, j’ai attendu que quelqu’un reconnaisse et dénonce l’imposture d’Emilia : qu’on la callout, qu’on dise partout qu’elle a causé tous les torts qu’elle prétend à présent réparer.

Mais ce moment n’arrive jamais.

Quand Emilia meurt, on lui rend un hommage national, on fait d’elle une sainte.

Et pour beaucoup, c’est ça, l’horreur : non pas sa mort (qui peut passer pour une punition), mais sa sanctification.

Puisqu’elle ne s’auto-dénonce pas, puisqu’elle reste riche et libre, rien de ce qu’Emilia Pérez fait ne sera jamais assez bien aux yeux des spectataires. Tout la renvoie à son passé impardonnable. Et donc à sa masculinité.

Il y a de la cruauté dans ce portrait de femme trans, comme si le réalisateur lui reprochait son échec à s’accepter telle que lui la voit. C’est particulièrement révoltant dans une où Emilia se fâche contre son ex-femme (qui ne se méfie pas), jouée par Gomez. Elle la jette sur le lit et l’étrangle en la menaçant avec sa voix grave et masculine – cette même voix avec laquelle elle parlait avant sa transition médicale.
[Harron Walker, « Le plus gros problème d’Emilia Pérez, c’est Emilia Pérez », The Cut, Janvier 2025]

Et en fait, ce passage est délicat, et mérite que l’on s’y attarde : il rappelle forcément des souvenirs de transphobie aux spectataires trans (et transfem en particulier). La manière-même dont la transphobie fonctionne consiste à ramener les gens à leur genre assigné. Pour les femmes trans, cela consiste à les ramener à leur « socialisation masculine », à les discréditer pour la moindre manifestation qui pourrait ne serait-ce qu’avoir l’air violente.

Moi aussi, face à cette scène, ma première réaction a été « wow, wtf ? »

Il y a une raison pour laquelle j’ai attendu tout le film qu’Emilia soit renvoyée à son passé, à ses crimes, à l’homme violent qu’elle a incarné pendant des années. Pour le coup, y’a de la matière pour retourner les gens contre elle.

Mais justement : le film ne fait pas ça.

Il laisse Emilia être violente, utiliser sa voix grave, faire des erreurs et avoir des goûts plutôt masculins (littéralement, post-transition, elle tombe amoureuse de la première meuf qu’elle voit avec un couteau)… sans que jamais ça ne la disqualifie en tant que femme. Il y a une évolution, dans le fait qu’Emilia ne cède pas à sa jalousie quand elle découvre que son ex-femme a un nouvel amant, dont elle était déjà amoureuse du temps de leur mariage (elle était restée par crainte). Ce n’est pas à cause de cela que les deux femmes finissent par se disputer. Quand Emilia fait à nouveau usage de ses techniques de mafieuse, c’est par rapport à la garde de ses enfants : pour expliquer ses raisons de vouloir les garder, il lui faudrait dire qui elle est. Et quand, trop tard, son ex-femme finira par le découvrir malgré tout, elle se montrera étrangement compréhensive (fera tout pour sortir de l’engrenage mortel dans lequel elles se sont engagées).

Ce n’est certes pas réaliste, mais c’est le genre d’irréalisme dont, personnellement, j’avais besoin : voir une femme trans qui n’est pas trainée dans la boue, malgré toutes les raisons pour lesquelles ce serait attendu. Encore une fois : il n’y a aucun doute sur la criminalité d’Emilia, et le fait qu’elle soit une femme trans devrait faire d’elle une cible toute désignée (les femmes trans n’ont pas besoin d’avoir quoi que ce soit à se reprocher pour être criminalisées et punies. Alors une femme trans ayant causé plusieurs millier de morts, vous pensez bien…).

Pendant des années, Mexico a tenu la deuxième place des endroits les plus mortels au monde, et le film ne reflète pas ça du tout.
« Emilia Pérez est dépeinte comme un personnage tout-puissant, et même comme une sainte à la toute fin, quand la réalité pour les personnes trans au Mexique est diamétralement opposée à cela » dit [Láurel Miranda], « Nous devrions nous demander qui bénéficie de cette représentation ».
[Berenice Bautista, « Qu’est-ce que le Mexique pense vraiment d’Emilia Perez ? », apnews, Janvier 2025]

Je comprends qu’on se questionne. Encore une fois, il ne s’agirait pas de prétendre que les femmes trans on la belle vie. C’est loin d’être le cas. Mais je crois aussi qu’il y a des cas où certains privilèges (notamment de classe) peuvent effacer d’autres réalités sociologiques. Il y avait une condition à la réussite du projet de transition d’Emilia : celle d’avoir immédiatement un super passing. Le truc c’est que personne, à l’exception de Rita qui est dans la confidence, absolument personne ne la soupçonne d’être trans, et donc personne ne la traite comme si elle l’était. Ça ne dit rien de la manière dont les autres femmes trans, celles qui ne peuvent pas dépenser plusieurs milliard de peso pour changer d’un coup tout ce qu’il est possible de changer dans leur apparence et recommencer leur vie en coupant tous les ponts avec l’ancienne.

Du reste, le film n’a jamais prétendu être réaliste. (C’est même en partie ce qui lui est reproché : « J’attends d’un réalisateur tellement captivé par le concept de la transidentité » dit Harron Walker dans son article pour The Cut « qu’il fasse au moins preuve d’une compréhension éclairée de ce à quoi elle ressemble en pratique »). Assez tôt (cf le numéro musical dans lequel Rita, le personnage embauché par Emilia pour gérer sa transition, se retrouve face à un chirurgien qui chante le listing de toutes les opérations de réassignation sexuelle possible), le film établi de manière très claire qu’il s’autorise à jouer sur d’autres registres, comme par exemple celui de l’humour :

Je n’ai pas pu […] me retenir de pouffer devant la représentation d’Audiard d’une consultation chirurgicale, dans laquelle un chirurgien nomme des procédures à une Rita qui s’exclame « Oui ! » à chacune. […]Je n’exige pas un réalisme total dans chaque film que je vois. Je peux même apprécier le côté camp, intentionnel ou pas, d’Emilia se réveillant après avoir payé cinq million pour ses chirurgies simultanées, son visage couvert de bandages comme une momie à l’exception de ses yeux et de ses lèvres.
[Harron Walker, « Le plus gros problème d’Emilia Pérez, c’est Emilia Pérez », The Cut, Janvier 2025]

Au final, je comprends qu’on puisse déplorer que le film efface certains obstacles liées au thématiques dont il traite : oui, dans la vraie vie, ce n’est pas si simple de rassembler les gens pour retrouver les disparuus du narcotrafic / de transitionner.

Mais c’est moi, d’habitude, qui râle contre les choix de facilité.

Si je ne le fais pas ici, c’est parce qu’il me semble que ce que le film perd en réalisme, il le gagne sur d’autres terrains. À partir du moment où on accepte les prémisses du film (il est musical, il n’est pas réaliste, il mets en scène un personnage de femme trans qui décide de transitionner après des années à exercer comme chef de cartel), il y a matière à lancer des discussions fortes intéressantes.

Or ces conversations, j’aimerais bien les avoir.

Et pour ça, je défends le film.

Qui a peur d’Emilia Pérez

En fait, j’aimerais qu’on prenne la peine de réfléchir à la question suivante : qu’attendons-nous d’Emlia Pérez ?

Je veux dire : c’est une réalité de la transphobie qui fait que certaines femmes trans, effrayées par l’idée même qu’elles pourraient être trans, choisissent d’hyper-compenser en choisissant des carrières ultra-masculines. Comme l’armée. Comme, pourquoi pas, chef de cartel. Si c’est « la réalité » que l’on cherche, peut-être faudrait-il accepter aussi celles qui sont déplaisantes. Il me semble important de ne pas tracer une ligne infranchissable entre nous (les « bonns ») et « les autres » (les « mauvaiss »). Et ce, même quand on a des raisons légitimes de haïr ces autres pour leurs idées ou pour leurs actes.

À ce titre, je recommande la vidéo de ContraPoints sur les incels, dans laquelle elle n’hésite pas à créer un pont d’empathie entre les incels, et certaines femmes trans (dont elle-même).

Je sais reconnaître l’autodénigrement délirant quand je le vois. […]Laissez moi vous dire la vérité à propos des incels : ils ont juste l’air de gars parfaitement normaux. Mais bien sûr, ce n’est pas le retour qu’ils ont des autres incels. Les retours qu’ils ont, c’est que leur menton est faible, que leur peau est affreuse et qu’il n’y a aucun espoir, qu’aucune femme ne les aimera jamais, qu’ils sont des truecels, qu’ils n’ont pas d’autre option que de s’allonger par terre et de moisir. Et la chose intéressante, c’est que ces gars partagent leurs selfies en sachant que c’est ce genre de retour qu’ils vont recevoir. Alors pourquoi ? Pourquoi les postent-ils ?
[En parallèle, il y a sur 4chan un groupe surnommé TTTT] principalement utilisé par des « hommes » qui envisagent de devenir des femmes, et par des femmes trans en transition. […] Les femmes trans TTTT sont tragiques, elles sont encore en mode « mec », ce pourquoi elles utilisent toujours 4chan. Et je parle d’elles parce qu’elles me rappellent beaucoup les incels.
Pour les incels, la frustration fondamentale et qu’ils n’arrivent pas à baiser. Pour les TTTT, c’est qu’elles n’arrivent pas à passer en tant que femmes.
[Contrapoints, essai vidéo sur les incels , 21:41, 2018]

Emilia Pérez est tout ce que les femmes trans ne veulent pas être, à la fois physiquement (elle utilise sa voix grave) et moralement (elle est violente, ou l’a été).

Je comprends que le film puisse rendre dysphorique, vraiment.

Et je comprends que, de fait, d’un point de vue transfem, on ne l’aime pas.

Mais ce n’est pas parce qu’on n’aime pas un film qu’il est mauvais, problématique ou offensant.

Or à partir du moment où l’on décide qu’il n’est pas absurde d’imaginer un personnage qui, pour quelconque raison, et malgré sa position avancée dans un environnement ultra violent et viril (chef de cartel ayant déjà causé plusieurs millier de mort), prend conscience de sa transidentité : qu’aurait-il fallut que ce personnage fasse pour que l’histoire cesse d’être offensante ?

Aurait-il fallut considérer que, étant allée trop loin sur le chemin de l’infamie, il lui soit impossible d’envisager de changer ?

Peut-être. Mais ça me semble inquiétant de ne pas être capable de se dire, ne serait-ce que pendant deux heures « ok, je ne sais pas si c’est réaliste, mais j’ai envie qu’on aille vers le mieux, ce qui implique que des personnes que l’on pensait irrécupérables décident (contre toute attente) de changer d’attitude. Alors je vais faire l’effort d’imaginer que ça arrive à ce personnage, là. Ne serait-ce que pour voir quelles réactions cela produit chez moi de suivre son parcours de réhabilitation ».

Qu’on le veuille ou non, l’histoire est intéressante. Parce que cela pose la question de la réparation, de la justice, de nos habitudes de pensées punitives par rapport à ces questions.

Aurait-il fallut qu’Emilia ne transitionne jamais ? Qu’elle laisse sa propre dysphorie être sa punition, à payer ad vitam en réparation de ses crimes ? Serait-ce bénéfique à qui que ce soit qu’elle reste enfermée dans un rôle impliquant qu’elle… tue d’autres gens encore, jusqu’à ce qu’elle soit éliminée à son tour ?

Aurait-il fallut qu’elle se dénonce ? Est-ce cela qui aurait aidé les victimes ? De la savoir en prison quelque part ?

Ou aurait-il fallut (comme l’a fait Emilia dans le film) qu’elle profite de sa connaissance approfondie du réseaux de narcotrafic pour savoir à qui et comment demander les informations dont les familles des victimes ont besoin pour retrouver leurs disparus ?

Que cette entreprise fonctionne ou non (et s’il y a un problème au film, il est là : ce n’est pas vraiment le sujet, que ça marche ou pas. Et les familles des victimes au Mexique ont le droit de dire « franchement, vu à quel point tout ceci est un traumatisme national, on méritait que ce soit le sujet ». Mais encore une fois, en France ou au État-Unis, cette critique là est la seule que je n’ai jamais entendue), qu’elle soit suffisante ou non (et de fait elle ne l’est pas : Emilia peut aider à retrouver les disparuus, mais la plupart sont mortts, et ne reviendront pas à la vie), essayer n’est-il pas la meilleure option ?

Je ne suis pas d’accord avec Harron Walker quand elle dit :

Comme l’a écrit un jour  l’autrice canadienne Casey Plett en parlant de ce qu’elle appelle « les romans de genre », c’est-à-dire des fictions qui utilisent la transidentité comme une métaphore pour aider les personnes cis à apprendre quelque chose de neuf sur elleux-même : « Les transitions de genre semblent fasciner toutes les personnes qui n’en ont pas vécues ». L’analyse de Plett et très applicable à Emilia, et au rôle que sa transition joue dans le film. Pour Epifanía (la nouvelle amoureuse d’Emilia, jouée par Paz), elle lui apprend à s’autoriser à être « libre… libre comme l’air ». Pour Rita et le chirurgien israëlien transphobe, elle donne matière à un exercice de pensée.
[Harron Walker, « Le plus gros problème d’Emilia Pérez, c’est Emilia Pérez », The Cut, Janvier 2025]

Certes, la transition d’Emilia impacte les gens autour d’elle (encore que : ce n’est pas « la transtion d’Emilia » qui inspire Epifanía, mais bien Emilia elle-même : et pour cause, rien n’indique qu’elle ait été informée de la transition d’Emilia. Ce n’est en tout cas jamais un sujet entre les deux femmes).

Mais c’est aussi aux femmes trans que le film offre quelque chose, quelque chose qu’elles n’ont jamais dans la vraie vie : le droit d’être atroces, et d’être aimées quand même.

Le tout dans une démesure absolue (l’atrocité s’étend jusqu’au meurtre de milliers de personnes, l’amour jusqu’à la sanctification).

Alors au delà de la dysphorie qu’il peut faire ressentir, ne pourrait-on pas admettre qu’on a besoin que ce genre d’histoire puisse aussi exister ?

Personnellement, quand je défends des idées anticarcérales, ce n’est pas juste parce que j’ai peur des condamnations à tort. C’est parce que je fais le choix de croire que les gens ont le droit d’être (ré)intégréés à la société. Cela ne veut pas dire que les victimes sont forcées de pardonner à leurs bourreaux. Elles ont même tout à fait le droit d’être en colère. Cela veut dire que les personnes extérieures aux conflits et aux agressions n’ont pas à mettre de l’huile sur le feu pour se donner bonne conscience : « c’est bon, j’ai fait un truc. Je suis dispenséé d’écouter vraiment les victimes, maintenant ? ».

Et quand je vois les réactions autour d’Emilia Pérez, je me sens un peu seule.

La rédemption ne peut pas être forcée, on ne peut pas contraindre quelqu’un à changer contre son gré, même si c’est pour son bien.

Par contre, on peut l’encourager.

Pour commencer, on peut envisager que le changement est possible. Et puis s’assurer que les personnes désireuses de s’amender ne reçoivent pas uniquement de la haine en retour de leur bonnes volontées tardives : comment les personnes pourraient-elles sortir des espaces de violence et d’embrigadement si, quand elles lâchent leurs groupes/habitudes de droite, elles ne peuvent pas espérer recevoir le moindre soutien à gauche ?

J’attends le jour où l’on pourra regarder Emilia Pérez sans paniquer à l’idée qu’elle soit à la fois une criminelle, et une meuf qui a fait ce qu’elle a pu pour réparer ce qu’elle a détruit, même si c’est trop peu. Qu’elle a été haïe, puis aimée. Que la vie est complexe. Et que c’est tant mieux.

C’est un film qui provoque des sentiments contradictoires, ce qui n’est pas toujours agréable. Mais on a besoin de ça.

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