Qu’est-ce que la dissidence ?
La rébellion contre une autorité totalitaire, au péril de sa vie ?
Et dans un monde comme le notre, à quoi sert encore ce mot quand on dispose d’une liberté d’expression ? Nous n’avons pas cessé de l’utiliser. Il est même de bon ton, pour quiconque prétend avoir une opinion, de se dire dissident : « Je pense par moi-même, je ne suis pas dupe de la propagande. Que vous refusiez de m’écouter montre bien l’aveuglement qui est encore le vôtre. »
L’argument revient souvent, cela ne doit pas nous étonner. Il est si facile d’user de son autorité : « Je réfléchis, or vous n’êtes pas d’accord avec moi, c’est surement donc que vous ne réfléchissez pas. Ma parole vaut donc plus que la vôtre »
En somme : « J’ai raison précisément parce que vous pensez que j’ai tort, et si j’arrive à vous convaincre, et bien, j’aurais raison aussi, on ne peut pas être deux à se tromper, n’est-ce pas ? »
C’est délicieusement absurde, mais c’est efficace.
A partir du moment où votre adversaire se déclare dissident, vous avez perdu l’échange. Que vous reste-t-il à dire ? « Miroir, miroir ! C’est celui qui dit qui est ! » ?
Vous ne convaincrez personne.
Non, à partir du moment où l’on vous accuse de ne pas raisonner par vous même, vous êtes bloqués. Vous avez beau apporter des éléments concrets, parler de ce qui précisément vous a amené à vos conclusions, vous n’aboutissez à rien. Et pour cause ! Toutes les preuves que vous pensez apporter sont balayées d’un revers de manche, car voyez vous, s’il y a quelque chose pour appuyer vos dire, c’est que vous avez été influencé, donc que vous ne pensez pas par vous même, donc que votre adversaire (qui lui pense, il vous l’a dit) a raison. Vous ne pouvez qu’avoir tort.
Vous en étiez pourtant sûre, la dissidence, c’était vous, et votre adversaire n’est qu’un conformiste qui s’ignore.
Qu’est-ce alors que la dissidence ?
Ce qui s’oppose au dogme. Certes.
Mais le dogme n’est qu’une interprétation possible du monde qui nous entoure, un monde qui est multiple et paradoxal.
On parle de pensée majoritaire, d’accord, mais la majorité, ce n’est jamais que 50% de la population. Pour les 50% restants, rien empêche de voir le dogme, et donc la dissidence, d’une façon toute autre.
Qu’est-ce que la dissidence ? Illustration par l’exemple, dans un monde non totalitaire :
Nous vivons dans une société patriarcale. Le masculin est le neutre, le féminin n’est qu’une variante particulière, qu’ils convient de marquer par un accord spécifique. Les hommes ont le pouvoir. Les femmes le réclament. Le féminisme nait. Il s’agit d’une dissidence, d’un mouvement contre l’ordre établi, qui réfléchit à la construction d’un autre modèle.
— Nous, féministes, refusons les injonctions patriarcales. On ne laissera personne nous museler. Face aux conventions qui nous oppriment, nous osons dire la vérité : les femmes sont considérées différemment des hommes, et il n’est pas normal qu’elles soient moins nombreuses à exercer des postes de pouvoir, elles ne sont ni plus faibles, ni moins intelligentes.
Mais le modèle proposé ne plait pas à tous. Certains ne veulent pas changer leurs habitudes, ou s’accrochent simplement à leurs privilèges (s’ils sont des hommes). Pas facile en effet, quand on a été habitué à avoir le pouvoir, d’accepter de le partager un peu. Chaque voix féministe qui s’élève semble un coup porté à leur acquis.
— Nous voudrions plus de représentation dans les médias et pouvoir occuper des postes importants, comme vous.
— Jamais je ne cautionnerais les quotas ! Les hommes aussi ont des problèmes et on ne va pas refuser un poste à quelqu’un de qualifié sous-prétexte qu’il fallait plus de femmes.
— Je ne rêve pas non plus de quotas, mais il faut rééquilibrer la balance et c’est peut-être un moyen. Car, statistiquement, les femmes sont désavantagées.
— Foutaises !
— Nous avons réalisé des études pour prouver nos dires.
— C’est donc que vous avez les penseurs de votre côtés, vous avez le pouvoir, le patriarcat est mort. Vous n’êtes que des menteuses hypocrites !
— L’hypocrisie n’existe pas. Elle n’est qu’une invention pour discréditer les femmes peu dociles, et ainsi les tenir loin du pouvoir.
— Oh, ça va ! On ne peut plus rien dire !
Ils se sentent vite acculés, ceux que le féminisme dérange. Ils ont l’impression de voir émerger un nouveau dogme, qui ne leur plait pas, et qui pourtant semble séduire les intellectuels et bon nombre de leurs connaissances. Quand ils font des blagues sexistes, il y a toujours quelqu’un pour les reprendre, alors ils se rebiffent.
— Nous, masculinistes, refusons la dictature de la bien-pensance. On ne laissera personne nous museler. Face aux féminazies qui nous oppriment, nous osons dire la vérité : les femmes sont différentes des hommes, et ils est normale qu’elles soient moins nombreuses à exercer des postes de pouvoir, parce qu’elles sont plus faibles, et moins intelligentes.
Le masculinisme est un mouvement qui se place en dissident, et qui s’y tient : il n’a pas d’autre argument à présenter (refuser la dictature de la bien-pensance, n’est-ce pas à se gargariser de penser mal ?). Pourtant, il est le dernier niveau du conformisme : il défend le patriarcat au sein d’une société patriarcale.
La société est patriarcale, la société est raciste, la société est homophobe, validiste, transphobe, classiste… quel que soit le problème que vous voulez mettre en lumière, il y a toujours des gens pour s’indigner de votre indignation, pour se placer en dissident face à la dissidence.
Qu’est-ce que la dissidence ?
Tout et rien, peu importe, elle n’est qu’une marque de la discorde.
La société définit l’uniformisation de l’individu. Tout changement est un danger inacceptable à la stabilité de la structure sociale. Tant qu’il y aura une différence quelque soit la forme, il y aura son rejet. Sans imposer mon avis subjectif, dans ce cas, lutter contre le rejet n’est-il pas ce que l’on nomme dissidence ?
Intéressante définition, je trouve qu’elle ouvre des pistes. Si la dissidence n’est pas la négation du dogme mais celle du rejet qu’exerce le-dit dogme, si la question de ce qu’est le dogme en devient secondaire et que l’on peut donc définir la dissidence comme une lutte contre le rejet, alors c’est le rejet lui-même que l’on doit questionner.
Pourquoi rejetons-nous ?
Vous dites que toute marque de différence est vouée à être stigmatisée et rejetée, mais pourquoi ? Ne pourrait-on pas plutôt chérir ce qui diffère de nous, reconnaitre que cela nous enrichit ? La société est-elle vouée à être uniformisante, ou est-il encore permis d’espérer en construire une plus libre ?
Il y a beaucoup de question. J’ai voulu synthétiser ma réponse. Je ne m’attendais pas à recevoir beaucoup d’interrogation. Et pour y répondre, je vais devoir parler de ma propre philosophie inspirée de théorie social, comportemental, philosophique et psychologique que j’ai emprunté et réapproprié à mon point de vue de ce qui me semble le plus proche de la vérité. Je mets donc en garde tous les lecteurs que mes propos ne sont pas une vérité imposée mais un point de vue dont il est possible de débattre malgré mon avis très tranché sur le sujet.
« Si la dissidence n’est pas la négation du dogme mais celle du rejet qu’exerce le-dit dogme, si la question de ce qu’est le dogme en devient secondaire et que l’on peut donc définir la dissidence comme une lutte contre le rejet, alors c’est le rejet lui-même que l’on doit questionner. »
Pardonnez-moi de faire l’inverse de vos phrases en ayant une plus large définition du dogme lui donnant un sens plus puissant. Lui octroyant des aspects comportementaux collectifs et individuels en plus de la pensée. Pour ce qui est des mécanismes du dogme et de sa résistance, je pense que la lutte est un processus nécessaire à la volonté de chaque de dogme de sa perfectibilité. La dissidence a un rôle de supervision et correctif. Il est donc compréhensible dans les mœurs d’avoir un avis critique de l’extérieur sur le fonctionnement du dogme. Je parle bien entendu de la société occidentale, certaines sont moins flexibles et éradiquent toutes formes de contestation. On peut aussi critiquer dans la société occidentale de ne pas prendre l’avis d’extérieur comme une tentative d’amélioration et de choisir une attaque passive pour éradiquer la dissidence. Bien entendu un mélange des deux est possible. À la fois passif et actif avec des pointes de subtilité qui complexifient chaque dénouent. Je synthétise beaucoup cette réponse. Si une personne souhaite davantage de développement, qu’elle le demande. Si le temps me le permet, j’y répondrais. Aussi, je mets en garde mes propos qui peuvent être violent aux personnes sensibles. Je réponds sincèrement. Tout en ayant l’attention de ne pas offenser mais l’expérience m’a appris que chaque vérité n’est pas acceptable pour tous. Si vous n’acceptez pas mes propos, sachez que je ne détiens pas la vérité absolument et que vous avez le droit de ne pas être d’accord et de rejeter sans condition toutes mes idées.
« Pourquoi rejetons-nous ? »
Je ne le sais pas. Les phénomènes qui entraînent un avis opposé à la norme sont rares mais existent même dans les pires sociétés de contrôle. Par exemple: l’URSS qui était l’un des territoires les plus restreints ont permit la connexion internet à quelques personnes. Ce sont ses mêmes personnes qui ont permis la diffusion de la révélation des grandes manipulations du régime et qui par effet dominos lui ont mis fin. Elles pouvaient très bien suivre le dogme du régime par la confiance de la patrie, mais elles ont choisi de suivre des étrangers. Comment pourrais-je l’expliquer ? Peut-être que la liberté est ce à quoi l’humanité inspire-t-elle ? Et que chaque déviance à l’égard de celle procure un sentiment d’injustice universel dans chaque personne ? Je ne voudrais pas faire une conclusion aussi ferme. Car je doute de la sincérité de cette réponse. Par le manque de preuve et par les contre-exemples qui émergent dans ma tête.
« Vous dites que toute marque de différence est vouée à être stigmatisée et rejetée, mais pourquoi ? »
On entre dans mes propres croyances. Il y a comme dans chaque écosystème un élément biologique qui profite plus qu’aux autres. La nature au sens néodarwinien pousserait l’Humanité à se marcher les uns sur les autres pour le pouvoir dans un but de survie. En cela, la différence génétique se manifeste par des différences comportementales et physique. En gardant la stabilité physiologique et comportemental, la société penserait acquérir une assurance de pérennité.
( Certains gènes ont une influence sur le comportement, je répète une influence et non une manipulation stricte ! Sans vouloir me justifier, je n’approuve pas ce raisonnement. Je suis désolé si je choque. Mon but est de comprendre les comportements. )
« Ne pourrait-on pas plutôt chérir ce qui diffère de nous, reconnaître que cela nous enrichit ? »
Je vous remercie par votre question de pouvoir me permet de donner mon avis sur le sujet. Comme dit précédemment la différence est acceptée dans un but d’amélioration si les critiques viennent à remettre en question la morale du dogme, alors généralement la confrontation est inévitable. Redescendant à l’échelle individuel. Je pense sincèrement que les plus rétractés à la différence peuvent changer et l’accepter. Dans mes croyances la différence est synonyme de nouvelle expérience si je ne me sens pas en danger, il en résulte un enrichissement personnel bilatéral.
« La société est-elle vouée à être uniformisante, ou est-il encore permis d’espérer en construire une plus libre ? »
La société est vouée par le dogme à être uniformisante. Dès que la stabilité temporelle ( donc le moins de changement possible ) est la première caractéristique, la société est destinée à renforcer toutes les mesures de contrôle de masse ( psychologique, physique ), c’est une parmi d’autre explication que les révolutions de pays amènent souvent à un état Totalitaire Policier.
Pour la liberté, elle serait la dissidence à ce type de dogme. Une façon de lutter contre l’esclavagisme intellectuel et comportemental.
J’aimerais pour ce dernier paragraphe relativiser sur les sociétés européennes. Aujourd’hui, la liberté existe sous une forme relative. Elle est sujette à beaucoup d’attaque. Tout n’est pas noir ou blanc. Il y a des nuances complexes qui ne se résument pas en quelques lignes. Si je devais expliquer mon propre avis, il me faudrait remplir des bibliothèques. Tout en indiquant que je ne détiens pas la vérité absolue.